Ne prenez plus de risques en matière de TVA sur l’achat et l’utilisation d’un moyen de transport grâce à notre guide qui reprend les cinq grands pièges en la matière.
La tentation de faire acheter un moyen de transport par une société luxembourgeoise assujettie à la TVA est grande, tant les avantages induits semblent nombreux au Luxembourg. Pourtant les règles de TVA applicables au Luxembourg ne sont pas dérogatoires au droit européen, et une mauvaise compréhension de ces règles peut entraîner des conséquences financières inattendues. Quelques-uns des écueils les plus couramment constatés sont abordés ci-après.
Fournir son numéro de TVA luxembourgeois à un garagiste/revendeur étranger peut permettre d’exonérer de TVA la vente dans le pays dans lequel le véhicule est acheté. Dans un tel contexte, certains acteurs s’accordent à dire qu’aucune TVA n’est due sur la vente, que ce soit dans le pays de départ, ou au moment des formalités d’immatriculation au Luxembourg… ces raccourcis trop rapides font abstraction de deux éléments pourtant essentiels dans le circuit TVA :
– En premier lieu, l’exonération de la vente dans le pays de l’achat suppose que le moyen de transport fasse l’objet d’une livraison effective à destination d’un autre Etat membre. S’il reste dans le pays dans lequel la vente a lieu, la TVA de ce pays est en principe exigible.
– En second lieu, une vente intracommunautaire exonérée dans le pays de départ a pour corollaire une acquisition intracommunautaire taxable dans le pays d’arrivée. S’il est vrai que la TVA n’est pas à payer au Luxembourg auprès des autorités en charge des formalités d’immatriculation, c’est parce que l’assujetti qui a acheté le moyen de transport doit s’en acquitter par le biais de sa déclaration de TVA luxembourgeoise. L’opération est donc transparente au moment de l’accomplissement des formalités d’immatriculation, mais elle ne l’est pas pour l’acheteur assujetti qui doit spontanément déclarer son achat dans sa déclaration TVA luxembourgeoise. C’est alors que se posera la question du droit à déduction de la TVA.
Attention, si vous avez communiqué au vendeur votre numéro de TVA luxembourgeois mais si le moyen de transport dont vous restez propriétaire est livré dans un autre Etat membre que le Luxembourg, la TVA n’est pas déductible au Luxembourg si vous ne déclarez pas correctement l’acquisition intracommunautaire dans le pays de destination ! En effet, une acquisition intracommunautaire est par principe taxable dans le pays dans lequel le transport à destination de l’acheteur prend fin. Toutefois, l’acquisition intracommunautaire est également taxable dans le pays qui a fourni le numéro TVA sous lequel l’achat est réalisé (règle du filet de sécurité), s’il a été délivré par un autre pays. Les juges communautaires et luxembourgeois s’accordent sur le fait que la TVA due dans un Etat membre au titre du « filet de sécurité » n’est pas déductible. Cela concernerait par exemple le cas d’un bateau acheté en France, mais livré en Italie, et pour lequel un numéro de TVA luxembourgeois aurait été fourni lors de l’achat. L’acquisition intracommunautaire aurait dû être déclarée en Italie, la sanction pour l’utilisation abusive du numéro de TVA luxembourgeois est la non-déduction de la TVA au Luxembourg, même si les autres conditions pour faire valoir un droit à déduction de TVA sont remplies (voir ci-après). Sauf à démontrer que l’acquisition intracommunautaire a bien été déclarée dans le pays de destination, ou que l’acquisition a eu lieu dans le contexte d’une transaction triangulaire, ce qui supposerait que le moyen de transport serait revendu à un acheteur identifié à la TVA dans le pays de destination.
Echappent toutefois à ces principes les véhicules d’occasion (plus de 6000 km et plus de 6 mois en ce qui concerne les voitures) qui sont vendus par des assujettis revendeurs sous le régime de la marge bénéficiaire : quel que soit le statut TVA de l’acheteur et l’Etat membre dans lequel la voiture est livrée, le vendeur reste redevable de la TVA sur sa marge dans son pays, et l’acheteur assujetti n’aura pas d’acquisition intracommunautaire à déclarer au Luxembourg. La facture du vendeur doit comporter une mention spécifique relative à l’application de ce régime particulier, et ne pas mentionner de TVA. Ainsi, un véhicule acheté sous régime de la marge bénéficiaire ne génèrera aucune TVA exigible ni déductible pour l’acheteur.
En dehors du cas des ventes sous régime de la marge bénéficiaire, un autre facteur important du circuit TVA à prendre en compte est le droit à déduction de la TVA.
A la différence des pays voisins, le Luxembourg n’a pas identifié de dépenses relatives aux moyens de transport qui, par leur nature, seraient expressément exclues du droit à déduction de la TVA.
Toutefois, pour ouvrir droit à déduction de la TVA, une dépense engagée par un assujetti doit remplir deux conditions cumulatives :
– La première condition est que le bien acheté doit être affecté à une activité économique de la société ouvrant droit à déduction de la TVA. A défaut, la TVA sur l’achat ne sera pas déductible : il en va ainsi lorsque l’assujetti ne perçoit aucun revenu dans le champ d’application de la TVA (défaut d’activités, ou activités hors champ comme la simple détention de participations par une holding) ou lorsqu’il perçoit des revenus dans le champ d’application de la TVA mais exonérés sans droit à déduction (activités de financement intra européennes, ou locations immobilières exonérées par exemple).
– La seconde condition, posée par l’article 54.1. de la Loi TVA, est que la dépense doit avoir un caractère strictement professionnel. Cette disposition exclut notamment les dépenses somptuaires du droit à déduction de la TVA. Ainsi, l’administration TVA luxembourgeoise recourt régulièrement à cette qualification pour refuser le droit à déduction de la TVA sur les achats de certaines voitures de luxe par des assujettis qui exercent pourtant des activités ouvrant droit à déduction de la TVA. Si la position est compréhensible lorsque la valeur du véhicule est manifestement disproportionnée par rapport aux revenus de l’assujetti, elle l’est moins lorsque le véhicule incriminé est réellement utilisé pour les besoins de l’entreprise et de sa clientèle et que sa valeur est raisonnable par rapport aux revenus de l’entreprise. Dans les circonstances actuelles, une prudence particulière doit donc être adoptée au moment de l’achat d’un tel véhicule par un assujetti luxembourgeois.
Supposons que toutes les conditions relatives à la déduction de la TVA soient remplies, et que l’assujetti a fait valoir un droit à déduction de la TVA ayant grevé l’achat de son véhicule. Le véhicule étant confié à un salarié de l’entreprise qui l’utilise également pour ses besoins privés sans aucune rémunération (voir ci-après), il restera à déclarer la TVA due au titre de l’utilisation privée du véhicule.
En effet, l’article 16.a. de la loi TVA assimile à une prestation de services rendue à titre onéreux, l’utilisation de biens de l’entreprise pour les besoins privés de son personnel, dès lors que la taxe payée en amont aura été récupérée en tout ou partie par l’assujetti.
Par application de cette règle, l’assujetti devrait, chaque mois, prendre en compte l’utilisation réelle de la voiture pour déterminer le montant de la TVA qu’il devrait reverser pour son utilisation privée.
La première approche consiste à se fier aux kilomètres réellement parcourus à titre professionnel (au moyen d’un carnet de bord) pour calculer la part de TVA déduite qui devrait être reversée. C’est d’ailleurs le principe posé par l’article 28 de la loi TVA et la seule méthode officiellement reconnue.
D’autres méthodes de calcul sont cependant tolérées, parmi lesquelles :
– L’assujetti peut retenir la même base forfaitaire que celle calculée par les contributions directes pour le calcul de l’avantage en nature sur les salaires. Le montant de TVA ainsi calculé ne peut toutefois pas être nul, et cette méthode trouve une limite si l’on tient compte des taux réduits voire nuls applicables depuis 2017 pour encourager l’utilisation de voitures peu polluantes.
– L’assujetti peut également retenir une clé forfaitaire appliquée aux montants de TVA déduits, pour retenir la part d’utilisation privée du véhicule.
A défaut de tenir un carnet de bord, quelle que soit la méthode retenue, celle-ci doit être suffisamment réfléchie et documentée pour justifier sa validité et le fait qu’elle reflète fidèlement la part d’utilisation privée du véhicule, faute de quoi l’administration TVA peut la remettre en cause.
Le calcul d’une TVA due sur l’utilisation privée d’un véhicule ne se pose toutefois que si le salarié ne verse aucune contrepartie d’aucune sorte à son employeur. A défaut, le véhicule peut être réputé mis à disposition à titre onéreux, et la TVA ne serait plus due sur l’utilisation privative mais sur le service de mise à disposition à titre onéreux.
La question épineuse du traitement TVA de la mise à disposition des véhicules aux employés a été traitée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE ») à l’occasion de l’affaire QM (C-288/19) dont l’arrêt a été rendu le 20 janvier 2021.
Dans cette affaire, l’administration fiscale allemande a fait valoir auprès d’un assujetti luxembourgeois, l’exigibilité de la TVA allemande afférente à la mise à disposition de deux véhicules à ses employés résidant en Allemagne. Alors qu’un véhicule était mise à la disposition d’un salarié à titre purement gratuit, le deuxième l’était en « contrepartie » d’un prélèvement forfaitaire sur le salaire, à savoir près de 5.700 EUR par an. Selon l’administration fiscale allemande, la TVA allemande était exigible tant sur le montant forfaitaire retenu sur le salaire, que sur la mise à disposition à titre gratuit.
Pour s’en tenir aux aspects les plus importants de cette affaire, la Cour a jugé :
– que la mise à disposition gratuite d’un véhicule pas un assujetti à son employé/e doit se situer hors du champ de la TVA, étant donné qu’il n’existe aucune contrepartie en échange du service reçu. Ainsi, la Cour mentionne qu’il n’existe pas de contrepartie dès lors que le/la salarié/e n’effectue aucun paiement, ne renonce à aucune partie de sa rémunération en espèces, ni à un quelconque autre avantage en contrepartie de l’utilisation privée du véhicule.
– qu’en présence d’un montant prélevé sur le salaire en contrepartie de la mise à disposition du véhicule, la société effectue une prestation de services (location de moyen de transport à long terme) taxable dans l’Etat membre de résidence de l’employé (art. 17.7, b) et c) de la loi TVA) dès lors que cette mise à disposition remplit les critères d’une location de moyen de transport, ce qui est le cas dès lors que l’assujetti cède au locataire, contre un loyer et pour une durée convenue, le droit d’utiliser le moyen de transport et d’en exclure d’autres personnes.
En conséquence de la qualification de location de moyen de transport taxable en Allemagne, l’assujetti devrait donc calculer la TVA allemande en-dedans du montant prélevé sur le salaire de son employé, et remettre cette TVA aux autorités fiscales allemandes. Pour ce faire, elle devrait s’identifier à la TVA en Allemagne et y remplir ses obligations déclaratives. Cette activité impacterait aussi ses obligations déclaratives au Luxembourg, notamment du fait qu’il devrait quitter le régime « simplifié » pour le régime standard impliquant des déclarations périodiques, du fait de son droit partiel à déduction induit par la location de la voiture.
En pratique, à la suite de cet arrêt, les sociétés devraient revoir les modalités de mise à disposition des véhicules, tant pour leurs salariés locaux que pour les frontaliers, les règles dégagées par le juge européen trouvant une application vis-à-vis de tous les pays et pas simplement dans les relations avec l’Allemagne.
La vente d’un véhicule précédemment affecté par un assujetti à l’exploitation de sa société entre en principe dans le champ d’application de TVA.
En effet, si l’assujetti a pu récupérer la TVA sur l’achat du véhicule, la vente de la voiture sera soumise aux règles de TVA usuelles :
– S’il s’agit d’une voiture neuve (moins de 6000 km ou moins de 6 mois), la vente à un assujetti suivra les règles normales de TVA, qui prennent en compte le numéro de TVA fourni par l’acheteur ainsi que le lieu de livraison pour l’éventuelle application d’une exonération de TVA. La vente à un particulier sera taxable dans le pays dans lequel le véhicule sera livré (article 2.c. de la Loi TVA), et l’acheteur devra s’acquitter de la TVA due dans son pays.
– S’il s’agit d’une voiture d’occasion (plus de 6000 km et plus de 6 mois), la vente à un assujetti suivra de même les règles normales de TVA tandis que la vente à un
particulier, sans transport, sera taxable dans le pays dans lequel il vient chercher la voiture.
Seuls bénéficient de règles dérogatoires pour vente de voitures d’occasion les assujettis revendeurs, c’est-à-dire les professionnels qui achètent dans le cadre de leurs activités économiques des véhicules en vue de les revendre. En fonction des conditions dans lesquelles ils ont acheté le véhicule, leurs ventes peuvent être soumises à TVA sur la marge uniquement, et comme déjà expliqué au point 1 leur facture est émise sans TVA avec une mention particulière d’application du régime de la marge bénéficiaire.
Il existe toutefois une dernière règle particulière, assez méconnue, qui s’applique pour le cas où l’administration luxembourgeoise aurait refusé à un assujetti le droit à déduction de la TVA sur l’achat du véhicule au titre d’une dépense somptuaire ou d’une affectation à une activité exonérée n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA : Au moment de la revente du véhicule, l’assujetti peut bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 44.1.x. de la Loi TVA, qui exonère de TVA la vente, quel que soit l’acheteur et où que soit livrée la voiture.
Les possibles problématiques TVA liées à l’achat, à l’utilisation et à la vente d’un moyen de transport sont donc nombreuses et peuvent requérir l’avis d’un spécialiste, surtout si l’achat est d’une certaine valeur et si l’acheteur entend récupérer la TVA. D’autres écueils existent encore, qui concernent notamment le transfert à titre permanent d’un moyen de transport vers un autre Etat membre ou la prise en compte du statut douanier du moyen de transport au moment de sa vente.
Forte de son expérience dans le secteur opérationnel, l’équipe spécialisée de VAT Solutions accompagne ses clients par différents moyens (formation, coaching, helpline, etc) pour les aider à aborder de la manière la plus sécurisée possible le tournant de ces difficultés.
VAT solutions vous propose différents services pour vous accompagner dans vos problématiques de TVA au Luxembourg et à l’international :
– Confirmation du traitement TVA des transactions sur moyens de transports (voitures, bateaux, aéronefs)
– Coaching/formations
– Prise en charge des obligations TVA: Assistance, préparation et dépôt de la demande d’identification TVA et des déclarations TVA au Luxembourg et à l’étranger
Numéro de téléphone : +352 26 945 944
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